Wednesday, June 30, 2010

Memórias de um ministro dos negócios estrangeiros muito peculiar...

Cependant Sverdlov s'opposa résolument à ma désignation au service de la presse :

--Nous y mettrons, dit-il, Boukharine. Il faut opposer Lev Davidovitch à l'Europe. Qu'il prenne les Affaires étrangères...

--Que seront maintenant nos Affaires étrangères ? répliqua Lénine.

Mais, à contrecoeur, il consentit. A contrecoeur; je consentis aussi. C'est ainsi que pour un trimestre, sur l'initiative de Sverdlov, je me trouvai à la tête de la diplomatie soviétique.

Le commissariat des Affaires étrangères signifiait qu'en somme j'étais exempté d'un travail ministériel. Aux camarades qui m'offrirent leur concours, je proposai presque invariablement de chercher une carrière moins ingrate pour leurs capacités. L'un d'eux, dans la suite, rapporta assez savoureusement dans ses Mémoires l'entretien qu'il avait eu avec moi bientôt après la formation du gouvernement soviétique.

«--Que peut être, lui dis-je, comme il le raconte, notre travail diplomatique ? Je vais publier quelques proclamations révolutionnaires et je n'aurai plus qu'à fermer boutique.»

Mon interlocuteur était sincèrement chagriné de cette insuffisance du sens diplomatique en moi. Bien entendu, j'avais fait exprès d'exagérer l'expression de mon point de vue, désirant souligner que le centre de gravité ne portait pas alors sur la diplomatie.

L'essentiel du travail était, en effet, de développer la révolution d'Octobre, de l'étendre à tout le pays, de repousser l'incursion de Kérensky et du général Krasnov marchant sur Pétrograd, de combattre la contre-révolution. Nous remplîmes ces tâches en dehors des attributions. ministérielles et ma collaboration avec Lénine fut tout le temps la plus étroite et incessante.

(...)

Au cours de l'insurrection, nous avions autre chose à faire que de nous intéresser aux «radios» de l'étranger. Mais lorsque je fus commissaire du peuple aux Affaires étrangères, je dus m'occuper de savoir ce que pensait le monde capitaliste de notre coup d'Etat. Inutile de dire que les félicitations ne se faisaient entendre de nulle part. Si disposé que fût le gouvernement de Berlin à user de coquetterie à l'égard des bolcheviks, il envoya de la station de Nauen une onde hostile lorsque la station de Tsarskoïé-Sélo transmit mon communiqué relatant notre victoire sur les troupes de Kérensky. Mais si Berlin et Vienne hésitaient tout de même entre leur haine de la révolution et l'espoir d'une paix avantageuse, tous les autres pays, non seulement les belligérants, mais même les neutres, exprimaient en diverses langues les sentiments et les réflexions des classes dirigeantes que nous venions de renverser dans la vieille Russie.

Dans ce choeur, la tour Eiffel se distinguait par ses fureurs; elle se mit même à parler russe, espérant évidemment atteindre ainsi directement les consciences du peuple russe. Quand je lisais les «radios» de Paris, il me semblait parfois que Clemenceau en personne était juché au sommet de la tour. Je le connaissais assez, en sa qualité de journaliste, pour reconnaître, sinon son style, du moins son inspiration. La haine montait à s'étouffer elle-même dans ces «radios», la fureur arrivait au plus haut degré. Il semblait parfois qu'au haut de la tour un scorpion allait, de lui-même, se planter son dard dans la tête.

Nous avions à notre disposition la station de Tsarskoïé-Sélo, et nous n'avions aucune raison de nous taire. Plusieurs jours durant, je dictai des répliques aux insultes de Clemenceau. J'avais de l'histoire politique de la France des connaissances assez étendues pour donner sur les principaux personnages des renseignements peu flatteurs et rappeler certains traits de leur biographie que l'on avait oubliés depuis l'affaire de Panama. Pendant quelques journées, ce fut un duel serré entre les tours de Paris et de Tsarskoïé-Sélo: l'éther, fluide neutre entre tous, transmettait consciencieusement les arguments des deux parties. Et qu'arriva-t-il? Je ne m'attendais pas moi-même à de si rapides résultats. Paris changea brusquement de ton: il s'expliqua dans la suite avec hostilité, mais poliment. Plus tard, je me suis rappelé bien des fois avec plaisir que j'avais débuté dans la carrière diplomatique en apprenant à la tour Eiffel les bonnes manières.

(Trotsky, "Ma Vie")

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