Sunday, October 21, 2012

Da apoptose à histerese: o pensamento zombie


De Nadj Popi, no blog de Paul Jorion:
Paul, je souscris pleinement à l’analyse claire, concise et circonstanciée que vous nous livriez dans votre article du Monde daté du mardi 8 octobre dernier intitulé Le comportement suicidaire de la finance, dans lequel vous exposiez à propos des civilisations, la thèse fondamentale de « l’incapacité de leurs élites et de leurs gouvernements à se représenter clairement le processus d’effondrement en cours ».
De facto, le processus que vous dépeignez a été théorisé en sciences sociales (sociologie et économie), tout comme en sciences physiques, par le concept d’hystérèse, dont on peut dire en substance qu’il décrit la persistance d’un comportement, d’une attitude, qui caractérisait un environnement, un monde, un horizon, un univers particulier, comme cadre de représentation alors que précisément nous avons changé, à la suite d’un choc exogène ou d’une crise (rupture du cadre de représentation), de monde, d’univers, d’horizon et de cadre de représentation.
Autrement dit l’hystérèse théorise prosaïquement l’idée de la persistance d’un effet dont la cause a en réalité disparu.
L’effet d’hystérèse a été étudié dans la littérature économique, en théorie du commerce international (analysant le lien entre taux de change et balance commerciale) ainsi qu’en théorie du chômage (l’article de 1986 Summers et Blanchard, « Hysteresis and the European unemployment problem », NBER).
(...)

Hayek quant à lui exprime cette idée de l’hystérèse dans sa théorie du cycle en soutenant que toute politique de relance produit une situation de crise qui rétroactivement modifie la mémoire du système économique, rendant de fait inopérante toute nouvelle politique de relance. C’est sur cet argument de l’hystérèse que se fondent les thuriféraires du capitalisme néolibéral pour justifier le caractère passéiste désuet, périmé, éculé de la politique économique keynésienne qui n’aurait plus d’effet sur la réalité économique en raison de la crise et du changement de structure économique qu’elle a opéré.
A contrario, on pourrait aussi arguer que les chocs d’austérité imposés par les néolibéraux ne produiront pas l’effet escompté précisément en raison de l’effet d’hystérèse et de la persistance d’invariants d’ordre anthropologique et culturel que l’injonction au changement de modèle économique ne saurait infléchir, modifier, amender, voire transformer.
On voit ainsi clairement que le chantage au benchmarking et à l’alignement des modèles économiques et sociaux se trouve frappé d’irrecevabilité en raison de la persistance d’invariants qui structurent les économies : l’effet d’hystérèse invalide donc l’entichement pour le modèle allemand qui n’est en réalité que le reniement du modèle rhénan lui-même.
L’effet d’hystérèse trouve sa manifestation la plus aboutie dans l’expression hayékienne de « mirage de la justice sociale » (Droit Législation et Liberté, volume 2) qui décrit la persistance du concept de justice sociale même à la suite du basculement du monde vers l’horizon du capitalisme néolibéral régenté par les inégalités.
En réalité, cette idée formulée par Hayek ne fait que reprendre l’expression célèbre de Marx immortalisée dans son Manifeste du Parti Communiste : « Un spectre hante l’Europe – le spectre du communisme ». On ne saurait trouver meilleure définition du concept d’hystérèse : le spectre comme le mirage sont deux concepts qui expriment le phénomène hystérétique.
Plus récemment, on retrouve la formulation de l’hystérèse chez le sociologue allemand Ulrich Beck, par son expression (reprise par Emmanuel Todd) de « concept zombie », qui traduit l’idée de la persistance de certains concepts inopérants pour décrire le changement de réalité qui vient de survenir : le libre-échange, la compétitivité, la réduction des déficits et l’efficience des marchés financiers, sont autant de concepts et d’expressions zombies ou spectrales qui persistent malgré le fait qu’elles désignent et décrivent une réalité qui n’existe plus.

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